Episode Transcript
Transcripts are displayed as originally observed. Some content, including advertisements may have changed.
Use Ctrl + F to search
0:00
J'ai donc subi les premières exactions commises par les nazis,
0:05
c'est-à-dire le lavage des rues avec des brosses pour enlever des inscriptions contre les nazis.
0:11
Et donc j'étais avec mon papa à côté de moi,
0:14
accroupi par terre et puis on nous obligeait de nettoyer.
0:19
Et là c'était assez pénible parce que nous étions peut-être 7-8 personnes autour d'une de ces inscriptions sur le trottoir.
0:29
entouré par une populace haineuse qui,
0:32
pour une fois, avait la possibilité,
0:35
sans être contrainte, de faire montre de son antisémitisme,
0:40
qui a toujours été larvé en Autriche,
0:42
mais là, il pouvait s'exprimer. Et ça,
0:45
c'était le lendemain de l'Anchelos.
0:48
J'avais pas encore 14 ans. C'était ma première impression qui était devenue comme un coup de tonnerre dans un ciel bleu pour moi.
1:03
La Shoah, mot hébreu qui signifie catastrophe,
1:06
désigne la mise à mort de près de 6 millions de Juifs d'Europe par l'Allemagne nazie et ses collaborateurs pendant la Seconde Guerre mondiale.
1:14
En France, plus de 25% de la population juive totale sera décimée.
1:19
Les enfants ne seront pas épargnés. Onze mille d'entre eux ne reviendront pas des centres de mise à mort,
1:29
et des milliers d'autres, les plus chanceux, seront séparés de leurs parents.
1:34
Cachés à la campagne sous de fausses identités, mis à l'écart du monde extérieur,
1:39
parfois même dénoncés et emprisonnés. Ne pas dire qu'ils sont juifs,
1:43
jamais. Se taire, affronter la peur,
1:47
la solitude, le danger. Oui,
1:50
chanceux, car malgré tout, ces enfants survivront à cette période terrible.
1:55
Ces enfants ont grandi. Ils ont 80,
1:57
90 ans et plus. Ils sont la mémoire de la guerre.
2:01
Ils sont les enfants de la Shoah. Ils replongent pour nous dans leurs souvenirs d'enfants.
2:08
Herbert est né à Vienne en 1924.
2:11
En novembre 1938,
2:14
âgé de tout juste 14 ans, il assiste,
2:16
en compagnie de ses parents et de sa grande sœur,
2:18
au premier événement qui marquera au fer rouge son statut d'enfant juif,
2:23
la Nuit de Cristal. Ce pogrom orchestré par les nazis,
2:27
à travers l'Allemagne et l'Autriche, tout juste annexés,
2:29
entraînera la destruction de milliers de synagogues,
2:32
commerces, maisons, mais aussi d'arrestations et de déportations de juifs.
2:37
Herbert aura la chance d'échapper à cette terrible persécution antisémite,
2:41
mais il sera à son tour arrêté quelques temps plus tard.
2:45
Du camp de Saint-Cyprien au camp Des Mille, en passant par celui de Gurs ou encore de Rivesalt,
2:49
Herbert se sortira de toutes les situations en faisant preuve d'une ingéniosité sans pareil.
2:55
L'histoire d'Herbert est si riche en souvenirs et son talent de conteur si fascinant qu'un seul épisode n'était pas suffisant à mes yeux pour vous partager son témoignage.
3:04
Voici donc le premier des cinq épisodes qui trace les contours d'une enfance brisée par la nuit de cristal,
3:09
sombre prélude à son combat pour la survie.
3:15
Voici l'histoire d'Herbert, 14 ans,
3:18
enfant de la Shoah. Je peux vous raconter une petite anecdote à ce sujet.
3:25
On nous cherchait dans nos appartements. On savait évidemment qui était juif et qui ne l'était pas.
3:31
C'était assez connu. Et lorsqu'ils ne trouvaient pas d'hommes,
3:34
ils ont pris des femmes. Il y avait une femme,
3:36
que je ne connaissais pas par ailleurs, qui est descendue avec son manteau de fourrure parce qu'il faisait assez froid.
3:43
Les nazis lui ont arraché son manteau de fourrure,
3:46
l'ont découpé et l'ont obligé de frotter pâté avec son manteau de fourrure.
3:54
Imaginez-vous ce que ça pouvait représenter pour un gosse de 13 ans de voir ça.
4:00
Cette pauvre femme, elle avait pleuré,
4:02
elle s'est dit j'ai rien fait etc. Elle s'est effondrée au bout de quelques temps et après on l'a laissé partir.
4:19
Ça, c'était donc le jour après l'influence,
4:23
le jour après. Nous étions relativement tranquilles pendant quelques temps.
4:29
Évidemment, j'avais été expulsé de l'école,
4:32
du lycée, j'étais en troisième.
4:37
Dans notre lycée, nous étions retournés en classe quelques jours après l'annexion.
4:43
Nous étions une vingtaine,
4:45
vingt-vingt-deux élèves dans la classe. Nous avions notre prof de latin.
4:50
Il était en train de commencer à nous faire son cours de latin lorsque la porte...
4:56
La classe s'est ouverte brusquement.
4:59
Un autre prof, avec un brassard à croix gammées,
5:02
est entré dans la classe et a hurlé
5:05
Les juifs, debout, prenez vos affaires et foutez-moi le camp !
5:10
Ce lycée devient nettoyé de juifs.
5:17
Alors, donc, on s'est levé, on s'est régradé,
5:21
on était... six ou sept juifs dans la classe,
5:25
eh bien, on est partis. Mais notre professeur principal,
5:29
il a réagi. Il a dit à l'autre, mes collègues,
5:33
qu'est-ce qui vous prend ? Comment pouvez-vous vous permettre de dire des choses pareilles ?
5:37
Alors l'autre s'est adressé à ses profs et lui a dit,
5:41
vous, Kornitsa, c'était son nom, vous,
5:43
Kornitsa, vous êtes un juif baptisé.
5:47
Oh, les juifs baptisés, restent juifs,
5:49
vous foutez le camp aussi. Voilà,
5:52
ça c'était mon expulsion du lycée.
5:55
Le lycée, c'était le Sperlgymnasium à Vienne.
5:59
Bon souvenir, si on peut dire. Nous étions donc tranquilles pendant quelques temps.
6:12
Après, évidemment, il y avait les hurlements des anti-nazis qui passaient dans la rue,
6:18
etc. Et il y a eu la fameuse Nuit de cristal,
6:22
dont vous avez certainement entendu parler, vous connaissez.
6:25
Et à Vienne, c'était peut-être pire qu'en Allemagne.
6:29
D'abord, l'incendie des synagogues.
6:32
Il y avait une synagogue à 50-60 mètres de chez nous,
6:36
dans la même rue, petite rue. cette synagogue a été mise à sac, incendiée brûlée le hurlement des gens autour abat les juifs prendez les juifs etc etc nous à la maison on entendait tout ça évidemment
6:53
On était, enfin moi,
6:56
assez affolé, ma soeur complètement sans voix.
6:59
Ma mère qui me tenait enlacé, mon père il essayait de parler à ma soeur.
7:04
Or, le lendemain de ce jour,
7:07
le lendemain, le matin, les nazis sont venus dans les maisons ramasser des juifs.
7:16
Mon père a su qu'il se prépare quelque chose.
7:20
Il s'était caché chez une voisine, une voisine de palier,
7:23
qui était une personne très âgée, qui avait une domestique qui vivait chez elle,
7:29
aussi âgée qu'elle. Et mon père s'est mis dans les lits de cette domestique,
7:34
que tout le monde connaissait évidemment, dans une petite chambre noire.
7:38
Les nazis sont venus chercher,
7:40
ils ne m'ont pas bien trouvé. Et quand ils ont quitté l'immeuble,
7:43
la concierge, Notre concierge les a interpellés et ils ont dit,
7:48
Vous n'avez pas trouvé le docteur Traube,
7:50
ce qu'on appelait mon père docteur, évidemment ? Non,
7:53
on ne l'a pas trouvé. Il doit être là. Il n'est pas sorti.
7:56
Je suis sûr qu'il n'est pas sorti. Sinon, je l'aurais vu.
8:01
Alors, ils sont revenus fouiller. Et mon père,
8:04
entre-temps, sachant que les nazis étaient partis,
8:08
était revenu dans l'appartement,
8:10
tout content. Voilà, on les a eus.
8:13
Ils m'ont attrapé. Ils l'ont attrapé et il est resté six mois à Dachau.
8:23
Cette concierge qui a donc dénoncé mon père,
8:27
c'était une femme d'origine tchèque. Or,
8:30
nous avons su plus tard et constaté aussi que les Tchèques installés à Vienne étaient plus antisémites que les autres.
8:38
Pourquoi ? Pour bien montrer qu'ils étaient devenus des bons Autrichiens,
8:43
des bons Viennois. C'était ça leur truc. Or,
8:46
cette femme-là qui, avant l'Anschluss, jusqu'à la veille de l'Anschluss,
8:50
saluait ma mère, comme on disait dans l'époque,
8:53
Christiane ne france c'est-à-dire c'était une salutation polie pour une dame,
8:58
Le lendemain de l'influx, elle ne connaissait plus ni ma mère,
9:01
ni mon père, ni moi, ni ma soeur,
9:04
rien. Voilà, c'était ça mon expérience de l'occupation par les nazis de l'Autriche.
9:18
Et après cette histoire, ma mère a réussi à nous envoyer,
9:21
ma soeur et moi, avec un transport d'enfants en Belgique.
9:25
C'était un transport organisé par la Croix-Rouge,
9:28
donc on était tranquilles en Belgique. Et après que mon père a pu être libéré du camp de Dachau,
9:35
avec ma mère, ils sont venus nous rejoindre en Belgique.
9:42
Nous étions tranquilles jusqu'au 10 mai.
9:51
Malgré la neutralité proclamée de la Belgique,
9:54
l'invasion par les forces allemandes contraindra la famille à fuir une fois encore.
10:00
Merci d'avoir suivi cette toute première partie du témoignage d'Herbert.
10:04
Dans le prochain épisode, ce dernier vous racontera l'internement de son papa au camp de Saint-Cyprien,
10:09
en tant que ressortissant d'un pays ennemi, puis ses propres internements successifs,
10:14
au camp de Gurs, puis celui de Rivezalt,
10:16
où Herbert aura comme tâche de redresser des clous,
10:19
une façon imagée pour son chef de corvée de redresser l'état de la France.
10:25
Comme toujours, partagez ce podcast avec vos proches.
10:28
Partagez ces récits si précieux pour notre histoire commune.
10:31
Ces rescapés sont les derniers témoins de la Shoah.
10:33
Alors ne perdons pas l'histoire, partageons-la.
10:36
Merci. Allez,
10:39
salut.
Podchaser is the ultimate destination for podcast data, search, and discovery. Learn More