Episode Transcript
Transcripts are displayed as originally observed. Some content, including advertisements may have changed.
Use Ctrl + F to search
0:01
Après que mon père a pu être libéré du camp de Daraa,
0:05
avec ma mère, ils sont venus nous rejoindre en Belgique.
0:07
Nous étions tranquilles jusqu'au 10 mai.
0:17
La Shoah, mot hébreu qui signifie catastrophe,
0:20
désigne la mise à mort de près de 6 millions de Juifs d'Europe par l'Allemagne nazie et ses collaborateurs pendant la Seconde Guerre mondiale.
0:28
En France, plus de 25% de la population juive totale sera décimée.
0:33
Les enfants ne seront pas épargnés. Dans l'épisode précédent,
0:41
Herbert nous a raconté les atrocités de la nuit de cristal,
0:44
sombre nuit à laquelle il est l'un des derniers survivants,
0:47
sinon le dernier, à avoir assisté.
0:51
Herbert nous a également raconté l'internement de son papa à Dachau,
0:54
suite à la dénonciation de la concierge de leur immeuble.
0:58
puis sa fuite en Belgique avec sa sœur, où ils seront rejoints quelques mois plus tard par sa maman et son papa tout juste sortis du camp.
1:06
La famille réunie vivra plus ou moins paisiblement jusqu'au 10 mai 1940.
1:13
Voici la deuxième partie du témoignage d'Herbert,
1:16
16 ans, enfant de la Shoah. Le 10 mai 1940
1:25
Oui, je dis bien. Les 10 mai 1940,
1:29
les Allemands ont envahi la Belgique et les Pays-Bas sans déclaration de guerre et la Belgique n'était plus un pays neutre et nous avons fui la Belgique.
1:45
Mon père a été interné à nouveau comme ressortissant d'un pays ennemi puisqu'il était Allemand.
1:52
Donc il était arrêté comme tous les Allemands qui étaient en Belgique à l'époque.
1:57
Et il s'était retrouvé dans un camp d'internement sur les bords de la Méditerranée à côté de Perpignan à
2:05
Saint-Cyprien-sur-Mer. Il était interné en tant qu'Allemand.
2:13
Ma soeur avait deux ans plus que moi.
2:15
Or, quand nous étions en Belgique en 1939,
2:20
on a su que les Anglais autorisaient l'immigration en Palestine d'enfants de moins de 17 ans.
2:28
Donc ma sœur s'était portée volontaire,
2:31
évidemment. Elle avait 16 ans et 9 mois,
2:34
à la limite. Moi, je voulais m'inscrire.
2:38
Moi, j'ai dit, toi, t'es trop jeune. On prend d'abord ceux qui sont à la limite d'âge.
2:42
Toi, tu attendras. Donc ma sœur est partie en Palestine.
2:45
Elle a quitté la Belgique, je ne sais quoi, en décembre 1939.
2:52
Moi et ma mère, on est partis avec un train de réfugiés,
2:57
surpeuplés évidemment. Il y avait beaucoup de Belges qui fichaient le camp parce qu'on se rappelait en Belgique des exactions que les soldats allemands avaient faites pendant le guerre de 1914-1918.
3:08
Il y avait eu beaucoup de civils qui ont été tués,
3:10
etc. Donc il y avait des Belges qui fichaient le camp et puis nous,
3:14
les quelques amis juifs qu'on avait dans la Belgique,
3:18
ils sont partis aussi. En France,
3:22
on était accueillis comme des réfugiés.
3:25
Les personnes étant venues par le train ont été dispersées dans différentes localités qui étaient équipées pour héberger donc des réfugiés.
3:34
Donc on s'était trouvé dans un petit village qui s'appelle Villeneuve de Bergue,
3:39
dans l'Ardèche, comme réfugiés. Et on était tranquilles pendant tout l'été.
3:46
Et après la prise des pouvoirs de Pétain,
3:50
On me demande parfois pourquoi vous ne dites pas Marshall Pétain.
3:53
Marshall Pétain ? Il n'y a pas de Marshall.
3:55
Pétain a été destitué de sa dignité.
3:59
Il n'est plus Marshall. Donc pour moi, Pétain, c'est Pétain.
4:02
C'est Philippe Pétain si on veut. Enfin bref,
4:05
ça c'est un intermède. Donc,
4:08
après sa prise de pouvoir, nous, de réfugiés,
4:12
on est devenus des indésirables. Et en tant qu'indésirable,
4:17
on a été internés dans un camp d'internement à Gurs,
4:21
où je suis resté avec ma mère quelques mois,
4:25
du mois d'octobre jusqu'au mois d'avril.
4:30
Un hiver froid, humide,
4:34
de la boue jusqu'aux chevilles quand on devait aller aux latrines,
4:38
c'était affreux. Ma pauvre mère commençait à être malade et on nous a transféré avec un petit convoi dans un autre camp,
4:47
le camp des Rives-Altes, où les conditions d'hébergement étaient un peu meilleures.
4:54
D'abord, il n'y avait pas de boue par terre. Ensuite,
4:57
les baraques étaient en dur. Mais...
5:01
Il y avait des puces,
5:03
des punaises, des poux,
5:07
c'était épouvantable. Des insectes,
5:09
on ne pouvait pas se débrasser. Auguste n'en faisait rien,
5:14
on était abandonnés à nous-mêmes. À Rivesailles,
5:17
on avait trouvé une occupation pour les hommes.
5:20
Donc là, j'avais déjà 16 ans, j'étais considéré adulte.
5:25
On avait des corvées. Alors notre corvée consistait à extraire des clous de planches abandonnées,
5:33
de planches de démolition, etc.
5:36
et les redresser, redresser les clous pour pouvoir les réutiliser.
5:41
Et nous avions comme chef de corvée un petit bonhomme qui devait être un sous-offre démobilisé français,
5:49
et pour lui, redresser des clous,
5:52
c'était participer au redressement de la France.
5:56
Donc il nous exhortait pour redresser des clous,
6:00
et plus on avait redressé des clous,
6:02
plus il était content, il était félicité,
6:05
mais nous on n'avait rien bien évidemment. Ça c'était notre occupation.
6:09
Les matinées, c'était notre travail. À Gurs,
6:14
nous étions séparés. Il y avait des îlots,
6:16
hommes et des îlots femmes, et on ne pouvait pas communiquer.
6:20
Or, à Rivesalte, il y avait des baraques hommes et des baraques femmes,
6:23
et dans la journée, on pouvait se rencontrer,
6:25
évidemment. Donc, l'après-midi, je pouvais voir ma mère,
6:28
pas voir avec ma mère, l'aider,
6:31
parce qu'il commençait à être très faible. Et la nuit,
6:34
évidemment, chacun dans sa baraque. Et dans la baraque,
6:37
on faisait quoi, nous les jeunes ? On avait donc des vêtements qui étaient infestés de poux des corps.
6:43
Bon, les poux de corps, on lavait avec de l'eau froide,
6:46
sans savon. Les poux, l'eau froide,
6:49
sans savon. Quand on sortait les linges,
6:52
ils étaient tous guéris, ils continuaient à transpirer.
6:55
Alors, le soir, on faisait quoi ? Nous, les jeunes,
6:57
on était assis sur les bas-flans, on prenait nos vêtements et puis on tuait les poux.
7:02
On tuait les poux et on comptait. Un, deux,
7:05
trois. Le premier qui est arrivé à 100,
7:10
il avait gagné. C'était notre occupation de jeunes.
7:15
Mais je raconte ça un petit peu pour ne pas dire que nous étions en permanence submergés par notre État.
7:27
Nous, les jeunes, on pensait qu'il fallait vivre,
7:30
évidemment. Au bout d'un mois,
7:34
ma pauvre mère... est vraiment tombée malade,
7:38
on l'a amenée à l'hôpital, et elle est décédée le lendemain.
7:44
Donc ma mère est décédée au camp des Rives-Alpes.
7:53
Là, pour moi, c'était l'effondrement total.
7:56
Avoir perdu ma mère, qui à l'époque était jeune,
7:59
elle avait 49 ans, enfin bref.
8:06
Donc j'ai pu assister à ses obsèques,
8:09
j'avais permission de sortir et je ne suis pas arrêté en Lyon.
8:18
Avec beaucoup de courage, une bonne dose d'insouciance et aussi un peu de chance,
8:23
Herbert se dirigera vers la gare où il sautera dans le premier train pour Marseille.
8:28
Merci cher Herbert pour ce partage intime et précieux et merci à vous chers auditeurs pour votre fidélité.
8:35
Dans le prochain épisode, Herbert nous racontera sa fuite,
8:38
ainsi que sa rencontre providentielle avec les Quakers,
8:41
aussi connus sous le nom de Société des Amis,
8:44
qui joueront un rôle crucial dans son périple vers la liberté.
8:49
Ne perdons pas l'histoire, racontons-la.
8:52
Allez, salut !
Podchaser is the ultimate destination for podcast data, search, and discovery. Learn More